jeudi 18 août 2011

"Car tout le monde savait bien qu'il aimait entre tout sa chienne de moto bien davantage..." (Edith Piaf, L'homme à la moto)

Youpi, c'est la rentrée littéraire ! Des centaines de nouveaux romans commencent à sortir et, parmi eux, je vous propose de découvrir "Carénage", de Sylvain Coher, sorti cette semaine chez Actes Sud.




Anton est une tête brûlée, un casse-cou. Depuis son plus jeune âge, il nourrit une passion sans borne pour la vitesse. Et c'est en moto qu'il imagine un jour fendre l'air et faire taper dans le rouge l'aiguille d'un compteur de vitesse. Il ne rêve que du jour où il possèdera SA moto et la fera rugir sur les routes de Lorraine, où il vit.

Leen, elle, a flashé sur Anton lorsqu'ils étaient encore à l'école. Elle a été séduite par le côté mauvais garçon d'Anton, un peu blouson noir, comme s'il était Brando réincarné, prêt à une nouvelle équipée sauvage. Mais, si Leen est tombé éperdument amoureuse d'Anton, elle découvre progressivement que la réciproque sera bien moins évidente.

Car, plus Anton grandit, plus sa passion pour la moto croît parallèlement et moins le reste semble avoir d'importance. Et Leen souffre de cela. Une souffrance qui va atteindre son paroxysme lorsque, enfin, Anton s'offre la moto de ses rêves : une magnifique Triumph, noire (Black Phantom, dit de cette couleur le catalogue de la marque) qu'il baptise illico "l'Elégante".

Entre Anton et la machine, une osmose, une fusion, comme si l'Elégante était devenue un prolongement du corps d'Anton et vice-versa. Une relation qui devient exclusive, comme si rien d'autre que la moto n'existait. Chaque jour, avant même l'aurore, il l'enfourche et fonce sur les routes des vallées et cols des Vosges puis revient, même si ça lui coûte, pour aller travailler. Mais jamais il n'oublie de passer dans le lieu-dit où vit Leen, pour qu'elle l'entende passer, sans jamais s'arrêter.

De quoi vouer une haine à cette machine chromée, devenue plus qu'une rivale pour Leen. Frustrée, elle quitte Anton, le laissant à sa passion mécanique. Mais, elle attend, car elle sait ce que cette relation a de dangereux, de destructeur, elle sait que cette histoire ne peut que mal finir...

"Carénage" est l'histoire d'un insolite ménage à 3, puisque c'est un moto, certes splendide, qui compose le 3ème côté de ce triangle amoureux détonant (ou plutôt, pétaradant). Et c'est à nos sens que Sylvain Coher fait appel pour nous conter cette histoire d'A (qui finissent mal en général, comme le chantaient les Rita Mitsouko).

Car "Carénage" est un roman sensuel, visuel, olfactif, tactile, auditif... Tous ces sens comblés par cette machine, décrite à l'envi par l'auteur, à grand renfort d'adjectifs mais aussi de comparaisons. L'écriture de Coher sait aussi nous faire sentir la vitesse, vraie drogue à laquelle Anton est accro. On pourrait presque la sentir dans nos cheveux, presque entendre "l'Elégante" vrombir et nous cracher le souffle de son déplacement à la figure.

Coher place même un zeste de fantastique, qui vient illustrer la folie croissante d'Anton. Mais, aussi, pour faire entrer ce monstre de cuir, de chrome et d'essence dans une sorte de légende, une espèce de Sleepy Hollow des routes vosgiennes, un cavalier fantomatique dont les histoires finiront par se raconter lors des veillées au coin du feu et effrayer les plus jeunes, mais aussi ceux que le bruit infernal de la machine importune.

Une écriture fluide, ciselée, presque cinématographique, parfois, ou naturaliste. Elle fait partie par sa douceur, qui contraste avec la rudesse du cuir et des chevaux vapeurs, du plaisir qu'on ressent à cette lecture. Mais ne vous y fiez pas : la relative poésie du texte ne peut totalement masquer le malaise certain que l'on ressent à la lecture de cette histoire de passion amoureuse pas ordinaire...

Parce que "Carénage" a aussi une facette malsaine, où l'on se dit que l'amour que porte Leen à Anton est peut-être finalement plus irrationnel et monstrueux que celui de l'homme pour sa moto. Mais, cette folie qui s'installe pour prendre des proportions démentes bien que tout en douceur et attention, cette foile ne vous repoussera pas, non, elle vous émouvra, j'en suis certain, car il ne peut y avoir de gagnante dans cette rivalité femme/moto.

Pour une découverte de cet auteur, c'est une excellente expérience, tant pour l'histoire que la plume de Coher. Voilà une rentrée littéraire qui s'annonce sous de bons auspices.

Un grand remerciement à Marie-Hélène, de "l'Eté du Livre", à Metz, qui m'a fait parvenir ce roman, dévoré en un après-midi (bon, 150 pages, seulement, mais lues d'une traite). L'occasion aussi de saluer Sylvain Coher qui a écrit ce roman lors d'une résidence d'auteur en Lorraine, région à laquelle il rend parfaitement hommage dans ce livre, emmenant le lecteur des boulevards nancéiens aux dangereuses nationales traversant les vallées et les cols des Vosges.

Et un dernier remerciement aussi aux éditions Actes Sud pour cette superbe couverture, que la lecture de "Carénage" met vraiment en valeur.

Alors, montez en selle et laisser vous emporter dans le sillage furieux et bondissant de "Carénage".

2 commentaires:

  1. Ca fait penser à "Christine" de Stephen King cette histoire. Cette relation quasi fusionnelle de l'homme et de son véhicule. Désolée, mais ce livre là, ne me tente pas. Un goût de déja vu sans doute avec le bouquin que je viens de citer et qui m'as mise terriblement mal à l’aise.

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  2. Chère MMA, on est loin de l'univers de King, car la moto reste un objet inanimé, quoi que capable de se déplacer rapidement. Je comprends ce que tu veux dire, mais je pense que cette impression ne rend pas justice à "Carénage" qui propose autre chose.

    Et puis, il est bon aussi, parfois, de se sentir mal à l'aise face à un livre...

    Maintenant, tu as tous les droits, y compris celui de lire d'autres livres évoqués sur ce blog et ton avis est intéressant, car, je n'ai pas du tout pensé à Christine en lisant le livre, donc, je dois aussi prendre garde en rédigeant mes billets à ce genre de liens.

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