mardi 9 août 2011

Faux et usage de faux, mais vrai inédit

En 1976, Ken Follett n'était pas encore l'auteur incontournable qu'il est devenu depuis. Lorsqu'il publie "the Modigliani Scandal", l'accueil est sympathique mais loin des attentes de l'auteur, qui note qu'on n'a pas compris ce qu'il voulait faire. Et, pour lui, c'est de sa faute, le roman est raté, il s'oppose donc à sa traduction.

Jusqu'à ces derniers mois. Follett, installé, sans doute moins idéaliste mais ayant aussi pris du recul, se décide finalement à faire traduire "le scandale Modigliani" en Français. Et le voilà sorti, directement au Livre de Poche.




Nous sommes au début des années 80. Une jeune anglaise, étudiante en histoire de l'art, prépare une thèse sur l'influence de la drogue sur la création artistique. Lors de son enquête, elle apprend qu'il existerait quelque part en Italie, un tableau inconnu de Modigliani, peint sous l'influence de haschisch, qui serait parfait pour appuyer sa thèse.

Aussitôt, elle se lance à la recherche de la toile. Elle n'imagine pas à ce moment, que, comme un domino entraînant tous les autres dans sa chute, elle va propulser un certain nombre de personnages, liés directement ou indirectement au monde de l'art dans un folle sarabande.

Il y a là l'oncle de l'étudiante, responsable d'une grande galerie d'art, le vieil ami de l'oncle, collectionneur d'art, un jeune peintre prometteur mais fauché, un jeune galeriste, fauché lui aussi, et gendre du collectionneur, une étoile montante du cinéma, naïve et idéaliste, un détective privé et quelques escrocs...

Tous vont focaliser leur attention et leur énergie sur ce fameux Modigliani perdu, sans même savoir s'il existe, et, pour chacun d'entre eux, sa découverte et surtout, son appropriation sont vitales.

Follett tisse alors une sorte de vaudeville entre Angleterre, France et Italie, un polar choral très alerte, sympathique à lire, plein de surprises et de rebondissement, avec un dénouement final assez amusant.

Au-delà de ce livre, qui n'est pas un grand Follett, mais une bonne lecture estivale, il y a quand même quelques intéressantes questions : qu'est-ce que l'art ? Un marché, répond Follett, où l'important n'est plus ni le peintre, ni sa toile, ni la qualité de l'oeuvre mais uniquement ce que cela peut rapporter.

Il dénonce un microcosme d'une superficialité, d'un snobisme et d'une vénalité affligeants, n'y connaissant finalement pas grand chose, si ce n'est les possibles retours sur investissement et, finalement, ne prenant que peu de plaisir à regarder ces tableaux qui leur sont si "chers"... Etonnant, à ce propos, de signaler que ce livre a été écrit avant que les prix des tableaux de maître s'envolent vers des sommes et des sommets sidérants.

A l'autre bout de la palette, Follett, en mettant peintres et faussaires sur un même plan, va d'ailleurs assez loin dans la provocation. Et si, après tout, le talent ne se mesurait qu'à la somme que sont prêts à miser de riches collectionneurs sur un peintre ? Les autres savent sans doute aussi bien peindre, mais n'ont pas su attirer l'attention des mécènes...

L'arnaque aux ramifications multiples qu'il met en scène au coeur de son livre est très bien goupillée et l'idée finale très astucieuse. Et, parce que toute satire mérite une morale, ceux qui sont les plus intéressés ou les moins bien attentionnés se retrouvent le bec dans l'eau.

L'art, lui, ne sort pas non plus vainqueur de l'histoire, mais on se dit que Follett a raison : devant un tableau, l'émotion doit venir de lui, pas de l'étiquette où est inscrit son prix.

Conseil lecture : sur le sujet des faussaires de génie, je conseille "La double vie de Vermeer", de Luigi Guarnieri, un formidable roman tiré d'une histoire vraie à peine croyable. Et Guarnieri y aborde concrètement l'art et la manière de réaliser des copies crédibles de tableaux de maîtres. Fascinant...

1 commentaire:

  1. J'ai beaucoup aimé ce livre, qui m'a également surpris car très différent de ce que j'avais pu lire auparavant de cet auteur. A recommander!

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