jeudi 27 février 2014

"Je suis le cartar Tiric Sherna. Donnez-moi la paix, ou bien mourez tous".

Entrée en matière prometteuse, n'est-il pas ? Bon, j'ai un peu sorti la phrase du contexte, je le reconnais volontiers... Mais, je la trouvais adéquat pour introduire un billet sur le premier volet d'un diptyque de fantasy, disponible en poche, chez Folio SF, depuis quelques semaines : "le sabre de sang", de Thomas Geha. J'ai enchaîné la lecture des deux tomes, pensant ne leur consacrer qu'un billet commun, avant de changer d'avis, je vous expliquerai pourquoi dans le prochain billet... Suspense ! Précision, j'ai lu ces deux romans à l'occasion de leur sortie en poche, mais je l'ai fait dans la version grand format, parue chez Critic. Pour un voyage plein d'aventures dans un univers plein de surprises, où se côtoient volonté de justice, soif de vengeance, appétit pour le pouvoir et magie...





Sept Royaumes se sont alliés pour lutter contre la menace d'un peuple reptilien : les Qivhviens. Mais, cette alliance très ancienne a désormais du plomb dans l'aile... Un par un, les Royaumes qui la composent tombent aux mains de ces lézards franchement peu sympathiques et ceux qui résistent encore n'en ont sans doute plus pour très longtemps.

Le Royaume Shao fait partie de cette dernière catégorie. Les défaites se multiplient sur le terrain, les Shaos devraient bientôt tomber sous domination qivhvienne... Voilà ce que pense le cartar Tiric Sherna, autrement dit le gouverneur d'une région du royaume Shao, poste aussi bien politique que militaire, alors qu'il se réveille après avoir été assommé au combat...

Le voilà prisonnier de cet ennemi impitoyable, enchaîné comme un vulgaire soldat, condamné à se rendre à pied jusqu'à la capitale des Qivhviens où, selon toute vraisemblance, et à condition de survivre au trajet, il sera réduit à la condition d'esclave. A ses côtés, enchaîné avec lui, un autre valeureux soldat Shao, Kardelj.

A part l'origine, tout semble séparer ces deux hommes. Mais, dans l'adversité, ils vont nouer une solide amitié, avant d'être séparé quand chacun va être vendu à des propriétaires différents. Pour Tiric, il s'agit d'une riche Qivhvienne, Zua Lazpoa, qui s'avère être la première suivante de l'impératrice Qivhvienne, Zerna Krillia...

Une haute personnalité du régime, donc, ce qui va mettre Tiric dans une position plus précaire encore, car il comprend bien vite que sa nouvelle "maîtresse" attend de lui qu'il l'aide à sa manière à asseoir sa position politique. Et, pour cela, elle entend en faire son champion, un "arénier" à succès, comprenez, un gladiateur capable de battre n'importe quel adversaire dans l'arène, devant un public Qivhviens qui apprécie sans doute plus ces jeux que le pain.

De défaites en humiliations, la colère monte en Tiric. Et avec, la soif de se venger de ces lézards qui l'ont asservi, en attendant sans doute, qu'il se fasse tuer dans l'arène ou qu'il tombe en disgrâce (ce qui revient au même, au final)... Alors, l'idée de s'enfuir, coûte que coûte, revient à l'esprit du cartar... Tant qu'il était enchaîné, c'était impossible. Ici, un peu plus libre de ses mouvements, il peut espérer avoir une occasion...

Mais seul, impossible. L'idéal, ce serait l'aide de Kardelj, perdu de vue depuis leur vente. C'est dans l'arène qu'ils vont se retrouver. Et semer la zizanie dans l'entourage de l'Impératrice Qivhvienne. Et c'est en misant, non, n'insistez pas, je n'en dirai pas plus, sur les rivalités entre les suivantes de l'Impératrice que les deux Shaos, accompagnés par Kahrzoa, une Qivhvienne qui sait que sa participation à un complot fait peser sur elle une menace si elle reste à la capitale, et d'un vieil homme, Apêo, vont parvenir à s'échapper...

Une liberté toutefois relative, puisque les deux Shaos sont sans doute les ennemis numéros un d'un empire déstabilisé mais qui ne manquera pas de les faire rechercher. Il faut fuir, à quatre, le plus loin possible. Une fuite semée d'embûches, dans la crainte d'être reconnus ou trahis... Et un objectif : atteindre Cauzyr, au royaume de Snad, la patrie d'Apeô.

Il s'agit d'un lieu où l'influence Qivhvienne est moindre et où Tiric espère pouvoir se cacher en attendant de reconstituer ses forces et de repartir au combat pour vaincre les envahisseurs reptiliens une bonne fois pour toutes et restaurer la paix sur les Sept Royaumes... Il n'imagine pas encore à quel point ce choix d'aller se mettre au vert à Cauzyr sera important pour la suite des événements...

Et le sabre de sang, dans tout ça ? Effectivement, je n'en ai pas dit un mot dans ce résumé et, rassurez-vous, c'est tout à fait normal. Aucune raison de vous dire ici dans quel contexte il apparaît et ce que l'on apprend à son sujet (qui reste encore très succinct)... Il vous faudra lire ce premier tome, pour cela !

Un premier tome plein d'action et de scènes marquantes, en particulier les combats dans les arènes, le derniers, totalement déloyal, dont Tiric et Kardelj se sortiront avec brio, mais non sans mal. Ce sera également l'occasion d'en savoir plus sur ce Kardelj, dont Tiric ne nous a pas dit grand-chose auparavant, à part la confiance qu'il a en lui et l'amitié qu'ils ont liée durant leur enchaînement...

Et ce qu'on apprend a de quoi surprendre... Oh non, je ne vais pas en dire plus non plus à ce sujet. Mais ces éléments particuliers, qui fleurent bon (ou pas) la magie, ne sont évidemment pas sans importance. Avec Kardelj, Tiric comprend qu'il dispose d'un allié non seulement digne de confiance mais qui pourrait lui être fort utile dans sa volonté de reconquête à venir.

On voyage aussi beaucoup, dans ce premier tome. Depuis Ferza, la capitale Qihvhienne, jusqu'à Cauzyr, ça fait une trotte, et même plus, puisqu'il y aura aussi une traversée maritime quelque peu mouvementée. Et des rencontres, bien sûr, loin d'être toujours agréables... Et dont certaines laissent transparaître quelques mystères supplémentaires... Des présages, sombres, forcément...

Tiric est le narrateur de ce premier volet, c'est donc par ses yeux qu'on vit tous ces événements, souvent violents, jusqu'au dénouement, plutôt la charnière du diptyque. C'est un homme un peu hautain, conscient de son rang et de sa force, sans doute un peu trop confiant en ses capacités. Il a l'âme d'un chef, cela se ressent tout au long de leur fuite et cela prend parfois un côté excessif voire agaçant en certaines circonstances.

Un mauvais perdant, ce Tiric, à la guerre, comme dans n'importe quelle autre circonstances de la vie quotidienne... Et plus encore dans ces périodes compliquées, défavorables, où la patience et l'orgueil de Tiric sont mis à rude épreuve. Alors, j'y reviens, Tiric se laisse peu à peu, sous le coup de la frustration et de l'humiliation, envahir par la colère...

Pas une saine colère, non, une colère brute, incontrôlable, mauvaise conseillère... Une colère qui consume le cartar comme un feu en attendant qu'il puisse, éventuellement, la retourner contre ses ennemis reptiliens... Sans certitude que ce soit suffisant, car reconstituer une armée capable de battre les Qivhviens ne sera pas une mince affaire... A moins d'une aide, disons, providentielle... Ou plutôt le contraire...

De ses compagnons d'évasion, on n'en sait assez peu. C'est le défaut d'un homme comme Tiric : égocentrique, peu tourné vers les autres, à moins que ce qu'il dise d'eux le concerne. Kardlej est un sacré guerrier, c'est certain. Mais aussi un homme volontiers discret sur sa vie. Il faudra une occasion bien particulière, la révélation, bien malgré lui, de son principal secret, pour qu'il s'ouvre un peu à Tiric et lui parle de son passé. Mais pour le reste...

Quant à Kahrzoa et Apeô, ils sont, certes, des personnages secondaires, mais leur importance dans cette histoire est capitale. Kahrzoa leur sert de guide, dans un premier temps, puis, une fois qu'elle a décidé de les suivre dans leur fuite, persuadée que si elle reste, on voudra la faire taire, elle devient une complice idéal : en accompagnant une Qivhvienne, les portes s'ouvrent plus facilement, certains dangers s'amenuisent...

Apeô, lui, a tout d'un vieux fou... Trop de temps passé dans les geôles qivhviennes pour ne pas y avoir laissé sa raison, tout ou en partie... Ronchon et renfrogné en permanence, il n'est pas le plus expansif des personnages, mais on le sent aussi distant malgré la reconnaissance qu'il devrait manifester à l'encontre de ses sauveurs. Comme s'il se méfiait d'eux, en fait...

Pourtant, c'est bien vers chez lui que les fuyards vont se diriger pour échapper aux Qihviens, chez qui ils sont recherchés, sous peine de mort, sans doute. Dans son royaume, dans son village, dans sa maison, là où il n'est plus revenu depuis des années... Avec ce retour aux sources, c'est aussi une partie de son passé qui va resurgir...

Dans ce premier volet, roman de fantasy et d'aventures, Thomas Geha nous emmène dans un univers qui tient autant de la fantasy que de la SF. Ses Qivhviens (comment ne pas penser à la série "V" ?) sont particulièrement répugnants, même si c'est, j'en conviens, à la fois la vision de Tiric, qui les hait, et celle d'un être humain, ma pomme, qui aimerait moyennement les croiser...

Par moment, entre des décors assez souvent désertiques, les populations cosmopolites des Sept Royaumes, qui ont tous des caractéristiques physiques et sociales différentes, la faune et à la flore fort dépaysantes, sans même revenir sur le peuple Qivhvien, on a un peu l'impression de se retrouver dans une variante de Star Wars, sans la partie spatiale...

Evidemment, ce sont les méchants parfaits, on en a une image peut-être faussée, mais force est de constater que, dans leur communauté comme dans n'importe quelle communauté humaine, le pouvoir corrompt, la bassesse et la traîtrise guettent dès qu'on approche des hautes sphères. Kahrzoa, que l'on suit plus longuement et dans un contexte différent, donne déjà une meilleure image de ses congénères, tandis que Zua Lazpoa, par exemple, serait sans doute toute aussi pourrie si elle était humaine...

Geha nous offre ensuite pas mal de moments forts, là encore aux confins de la fantasy et de la SF. Dans les arènes, Tiric et Kardelj seront ainsi confrontés à des... euh, créatures qui, à n'en point douter, en raviront certains... De quoi faire quelques cauchemars sympathiques, sans même assister aux combats !

J'ai beaucoup aimé cette créativité qui mélange les genres et les effets, utilise la magie sans en abuser, mais en lui donnant un rôle majeur malgré tout. Le rythme est assez soutenu sans être effréné, mais, à chaque étape du récit, des événements forts jalonnent le parcours commun de Tiric et Kardelj. Et l'on passe un excellent moment de lecture, bravant les dangers aux côtés des deux Shaos.

Quand à la question du sabre de sang, j'y reviens, eh oui, elle n'est pas directement au coeur de ce premier volume, construit pour y parvenir. Des pistes sont ouvertes au cours de cette première partie, qui feront réfléchir le lecteur sur le rôle exact des uns et des autres, jusqu'à un dénouement où l'on comprend, ou plutôt croit comprendre ou veut en venir l'auteur...

Croit comprendre car, et nous en reparlerons dans le billet consacré au second tome, les apparences sont souvent terriblement trompeuses. Et le destin, souvent bien plus coquin que ceux qui cherchent à le manipuler à leur avantage. En cela, j'ai également beaucoup aimé la narration de Thomas Geha qui installe son univers et son intrigue, tout en semant des faux-semblants et des fausses pistes.

Je ne suis pas un grand connaisseur de fantasy, je n'ai pas forcément une expérience suffisante dans ce genre pour juger de l'originalité ou de la qualité intrinsèque de ce premier roman avec un oeil de spécialiste. Je me contente d'un simple oeil de lecteur, et, de cette manière, j'ai apprécié cette lecture dépaysante et distrayante...

Et, pour avoir fini le second tome, je sais désormais que je ne suis pas au bout de mes surprises... A suivre !

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